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Mon cher Gustave,
Non, je n’ai pas été avec mon école au challenge du Petit Provençal : je suis trop petit, mais il parait que cela a eu un grand succès, plus de mille élèves ont participé aux démonstrations sportives ! En revanche, je suis allé hier avec Maman à l’Exposition et tu sais quoi ? C’est un éléphant qui m’a donné avec sa trompe un numéro gratuit du Petit Marseillais édition de l’Exposition ! Toi, tu sais que je n’ai pas rêvé et que tout est possible à l’Exposition !!
As-tu déjà vu le palais de l’Indochine (1) finalement ? Moi, je l’ai visité avec Maman : c’est magnifique ! Mais il y a beaucoup de marches à grimper à l’escalier monumental et puis il y a des sortes de lions en pierre qui gardent l’entrée qui ont un peu l’air méchant !
J’ai préféré les jolies dames sculptées sur les façades et je les ai longtemps contemplées : Maman m’a dit que ce sont des déesses de ce lointain pays qui font des danses sacrées et que si je suis sage, jeudi soir prochain, nous irons tous ensemble, Maman, Grand-Père Marius, tante Virginie, toi et moi, voir un spectacle avec des vraies danseuses cambodgiennes devant le château d’eau et les fontaines lumineuses et que cela sera féerique ! En tous cas, je me dis que cela a dû être très long de sculpter toutes ces façades : il y a tellement de dessins différents ! Et en même temps cela me fait penser quand toi et moi on fait nos châteaux de sable à la plage en pressant le sable un peu humide dans nos mains, cela fait un peu le même effet que tous ces frontons sculptés. D’ailleurs Maman m’a expliqué que tout ca, c’est construit « pour de faux » : ce sont juste des sortes d’échafaudages avec du plâtre dessus… mais c’est beau quand même ! Et je trouve dommage que tout cela soit démonté et disparaisse à la fin de l’Exposition, cela aurait été chouette si on pouvait tout garder tel quel (2) ! J’ai aussi beaucoup observé tous les « bouddhas » : Maman m’a expliqué que c’est un des dieux de ces pays là, sauf que parfois il est très simple et tout lisse, et parfois il a un chapeau très sculpté, en tous cas il sourit tout le temps comme le Ravi ! Et ils ont l’air de beaucoup aimer la couleur rouge dans ces pays là, Maman dit que pour eux c’est la couleur du sacré et de la richesse ! Par exemple, j’ai vu de très jolis meubles du Tonkin avec des incrustations et des chaises tellement fines que j’aurais peur de les abîmer en m’asseyant dessus ! En tous cas, j’ai appris plein de choses : déjà je ne savais pas qu’il y avait autant de pays (et de gens !) différents dans nos colonies d’Indochine (c’est comme ce que tu m’as raconté pour l’Afrique), du coup cela m’a donné envie d’aller visiter tous ces pays un jour ! Et de Marseille, cela sera facile, je n’aurai qu’à monter à bord du bateau que tu commanderas : tu seras le capitaine et moi ton lieutenant, et ensemble on découvrira tous ces pays lointains et les gens qui y habitent. D’ailleurs j’ai pensé à toi en observant bien les petites maquettes des bateaux de là-bas : ils appellent ca des « jonques » et ca ressemble un peu à nos mourres de pouar mais en plus pointu.
Ensuite on a mangé le déjeuner que Maman avait apporté dans son panier sur les grandes tables « populaires » qui sont derrière le Grand Palais. Et comme j’avais été sage pendant toute la visite du palais de l’Indochine, on est allés s’amuser dans les attractions foraines derrière le palais de l’Afrique occidentale, mais en passant Maman m’a offert une tasse de chocolat à l’auberge du Cameroun : je me suis régalé !
Je me languis le samedi de l’Ascension : on ira tous ensemble au grand défilé colonial et cela sera le premier que je verrai : Maman dit qu’ils seront tous là, spahis algériens, tabors marocains, danseurs du Cameroun et du Sénégal, danseuses cambodgiennes, etc.
Ton cousin, Roger.
(1) La section indochinoise comprenait un palais principal, œuvre de l’architecte Delaval, inspiré de l’élément central du temple d’Angkor-Vat, présentant l’exposition du gouvernement d’Indochine : agriculture, industrie et commerce, administration, éducation et Beaux-Arts. Le palais était flanqué de deux pavillons du même style posés sur l’eau de deux grands bassins : ils présentaient les expositions locales de la Cochinchine, de l’Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos. De pittoresques édifices (rue annamite, pagode, maison laotienne, etc.) complétaient l’ensemble dans des jardins paysagés.
(2) Seul le pavillon des Arts et de la Provence subsiste de nos jours.